En 1968, à l’heure où adidas avait déjà lancé l’un des plus gros succès commerciaux de son histoire, la Stan Smith, PUMA se devait de réagir pour ne pas être condamné à subir éternellement la concurrence de son rival familial. C’est dans ce contexte et avec cet objectif que la marque au félin a commercialisé pour la première fois la PUMA Suede, une sneaker au design simple et à l’incroyable confort qui lui permettront de devenir incontournable.
Sneaker Style vous propose aujourd’hui un focus sur la chaussure phare de l’équipementier allemand. Sur fond de tensions familiales et sociales, vous verrez que la Suede ne s’est pas contentée d’influencer la mode et la culture hip-hop. Elle a notamment joué un rôle important dans la lutte contre le traitement longtemps réservé aux populations afro-américaines aux Etats-Unis.
1968, une année décisive pour la PUMA Suede
Si vous avez lu notre article sur l’histoire de la Stan Smith d’adidas, vous savez désormais que la marque aux 3 bandes et PUMA constituaient autrefois une seule et même société. Alors appelée Schuhfabrik Gebrueder Dassler, celle-ci était déjà spécialisée dans la fabrication de chaussures de sport et était présidée par les frères Dassler, Adolf et Rudolf. Mais pendant la Seconde Guerre mondiale, des divergences idéologiques entre les deux frères et leurs épouses les pousseront à prendre leur indépendance pour évoluer chacun de leur côté. Rudolf fondera PUMA en 1948 et Adolf adidas l’année suivante.
En 1964, alors que les deux acteurs jouissent d’une excellente renommée dans le football grâce à leurs chaussures à crampons, Adolf, le cadet des frères Dassler, décidera d’investir le créneau du tennis pour assouvir sa soif de développement. Sa Stan Smith, d’abord appelée Robert Haillet pendant 10 ans, connaîtra un rapide succès que PUMA souhaitera imiter en lançant à son tour une basket aussi esthétique que performante. Elle prendra dans cette optique le pari de la Suede, un modèle conçu pour devenir une réussite commerciale qui tire son nom de la matière dont elle est majoritairement composée : le daim.
La célèbre silhouette de PUMA porte donc très bien son nom. Son design est à la fois simple et efficace, comme beaucoup de sneakers classiques nées à la même période. Sur sa fameuse tige en cuir suédé, on retrouve les deux emblèmes de la marque : son logo représentant un félin en train de bondir, tout d’abord, ainsi que la vague commune à la plupart de ses chaussures de sport et le long de laquelle furent insérées des perforations pour garantir une bonne respirabilité. Mais l’autre caractéristique principale qui permet de reconnaître la Suede au premier coup d’œil, c’est cette épaisse semelle en caoutchouc à laquelle elle doit son excellente adhérence.Un symbole de la lutte contre la discrimination afro-américaine
Dès son lancement, la PUMA Suede se retrouvera sur le devant de la scène. Et pas n’importe laquelle !
C’est effectivement lors des Jeux Olympiques de Mexico que le monde va découvrir la chaussure désormais icônique. Les athlètes américains d’origine africaine Tommie C. Smith et John Carlos, qui ont terminé respectivement 1er et 3e de l’épreuve du 200 mètres, vont profiter de la cérémonie de remise des médailles pour dénoncer la politique ségrégationniste américaine. Pour cela, ils se tiendront sur les marches du podium debout, en chaussettes noires, la tête baissée, le point ganté vers le haut et avec une paire de la fameuse chaussure posée à leurs pieds. Bien qu’elle leur ait coûtée leur exclusion définitive des JO, cette posture aura permis aux deux coureurs de se faire entendre et aura bien évidemment contribué à faire de la PUMA Suede un symbole du mouvement antiségrégationniste.
Une entrée remarquée sur les parquets de la NBA
La même année, Rudolf Dassler rencontra le meneur vedette des New-York Knicks Walt Frazier. Connu autant pour ses qualités de joueur que son excentricité, le basketteur demandera au créateur de PUMA de lui concevoir un modèle à son effigie. Sans surprise, ce dernier se basera sur la Suede sur laquelle il opérera quelques ajustements. Pour commencer, il la dotera d’une semelle plus fine mais élargie. Ensuite, il décidera de réduire la hauteur de l’empeigne, avant tout pour permettre un maintien plus bas de la cheville. Enfin, dernier changement mais non le moindre, il supprimera le logo Suede de l’arrière de la chaussure et remplacera la mention « Suede » sur le côté par « Clyde ». C’est en effet ainsi qu’elle fut renommée en référence au surnom de Frazier, plus couramment appelé « Clyde » à cause de la facilité avec laquelle il volait la balle à ses adversaires. Une technique qui n’avait rien à envier à celle de Bonnie and Clyde pour cambrioler des banques !
La PUMA Clyde verra officiellement le jour en 1973 et rencontrera très vite un franc succès à la fois sur les terrains et en dehors.
Des parquets à la rue, une évolution toute tracée
Avec l’aide de Walt Frazier, la PUMA Clyde aidera grandement sa petite sœur la Suede à s’émanciper. Elle envahira dans un premier temps les playgrounds où les jeunes basketteurs feront leurs classes en tentant d’imiter le style du joueur des Knicks. Dans la foulée, elle fera son apparition dans les « block parties », ces fêtes de quartier à l’époque très en vogue aux Etats-Unis au cours desquelles le voisinage se réunissait en compagnie de quelques musiciens. Puis ce sera au tour des grands acteurs du hip-hop, courant musical en plein essor, et plus particulièrement des breakdancers de l’adopter. Conquis par son confort inimitable mais aussi et surtout par son style offrant de nombreuses possibilités de personnalisation, les B-Boys les plus populaires la chausseront, à l’image du Rock Steady Crew et des NYC Breakers.
Elle demeure encore à ce jour LA chaussure de référence du breakdance. En 2014, à l’occasion de la dixième édition du Red Bull BC One dont PUMA est partenaire, l’équipementier a sorti une version très limitée de sa silhouette emblématique. Celle-ci arborait une empeigne noire sur laquelle on retrouvait la vague caractéristique de la marque en blanc ainsi que des inscriptions dorées : la traditionnelle mention « PUMA Suede » sur le côté et le logo de la compétition sur le talon.
La PUMA Suede fera définitivement son entrée dans la rue dans les années 80-90 pour devenir la sneaker indémodable que nous connaissons tous aujourd’hui.
1968 – 2018, la PUMA Suede a déjà 50 ans
En 2018, la PUMA Suede fêtera donc ses 50 ans. Inutile de préciser que la marque allemande entend bien profiter de cet événement pour truster l’actualité des sneakers avec sa chaussure icônique. Elle n’a d’ailleurs pas attendu le mois de janvier pour démarrer les hostilités…
Le 4 novembre 2017, PUMA a officialisé plusieurs versions collectors de la Suede qui rendent toutes hommage aux acteurs qui ont écrit son histoire.
C’est tout d’abord le cas de l’ancien coureur américain Tommie Smith, mis à l’honneur avec une réédition de la paire que le monde a découvert en 1968 au cours des Jeux Olympiques de Mexico. Classique parmi les classiques, celle-ci arbore une tige basse en cuir suédé noir avec laquelle contrastent son logo en forme de vague ainsi que sa semelle en caoutchouc, toutes deux de couleur blanche. Pour la promouvoir, la firme de Herzogenaurach (bon courage pour la prononciation) a joué la carte de l’hommage à fond en faisant appel à Tommie Smith himself. En noir et blanc, évidemment, le shooting est un vrai clin d’œil au passé de la Suede. Jugez plutôt par vous-même :
Tout aussi réussi, le B-Boy Pack rend comme son nom l’indique hommage aux breakdancers, grâce auxquels la Suede a pu franchir les frontières des pistes d’athlétisme pour s’imposer dans la rue. Les deux chaussures contenues dans ce pack arborent une finition en nubuck noir d’un côté, et rouge de l’autre. Elles se distinguent des déclinaisons traditionnelles par leur stripe blanche au motif gaufré et surtout par leur plaque dorée insérée sur le bas des lacets pour rappeler l’année de création de la PUMA Suede (1968, ndlr).
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur la basket, nous vous conseillons de regarder Beat Street, le film de Stan Lathan sorti en 1984, et de jeter un œil aux livres du photographe Jamel Shabazz. Vous pouvez également regarder la première et unique saison de The Get Down. Produite et réalisée par Netflix, cette série retrace la genèse du hip-hop dans le Bronx des années 70 à travers les aventures de cinq jeunes garçons dont le quotidien est animé par les joutes verbales, la danse et les graffiti.
Fan inconditionnel des premières Air Max et des Jordan rétro, j’ai créé Sneaker Style en 2016 pour vivre pleinement avec vous ma passion pour les sneakers et son univers.