A moins d’avoir vécu ces cinq dernières années dans une grotte ou de n’avoir aucune affinité avec la mode streetwear, et encore moins avec les sneakers, le nom de ‘’Virgil Abloh’’ a forcément déjà raisonné à vos oreilles au moins une fois. L’artiste aux multiples casquettes n’en finit effectivement plus de faire parler de lui grâce à différentes créations qui lui ont permis de mettre les plus grandes marques à ses pieds. On pense bien évidemment à Nike et à ses filiales Jordan et Converse, à Louis Vuitton ou, dans un tout autre registre, à IKEA. Autant d’acteurs qui font la pluie et le beau temps dans leur univers respectif et sur lesquelles ‘’Mister Abloh’’ a réussi à apposer sa griffe noire et blanche désormais incontournable.
A la conquête de la hype
Le contexte est posé. Et l’environnement est connu. Reste à savoir comment cet architecte de formation est parvenu à se hisser en aussi peu de temps au sommet de ce que Raphaël Malkin, journaliste à L’Obs, a judicieusement baptisé la ‘’pyramide du cool’’ (cf. article du 26 mars 2018).Quand j’étais jeune, je voulais me trouver un boulot qui me donnerait un bon salaire. C’est tout.
Pour cela, il faut remonter aux origines du phénomène. Direction donc Rockford, dans l’Illinois, à deux pas de Chicago. C’est là qu’est né Virgil Abloh en 1980 de parents originaires du Ghana. Petit, le jeune Virgil se voit dispenser une éducation catholique. Il intégrera ensuite une formation en génie civil à l’Université du Wisconsin, à Madison, puis passera avec brio un diplôme d’architecture à l’Illinois Institute of Technology de Chicago ; assurément les premiers aboutissements d’une culture de la gagne qui lui a été inculquée très tôt. Malgré l’intégration dans la foulée d’un poste d’architecte dans un cabinet situé sur les rives du lac Michigan, Abloh n’est pas épanoui. En parallèle de son métier, il va ainsi consacrer de plus en plus de temps à ses deux passions de toujours : la musique et la mode.
En bien moins de temps qu’il n’en faut pour claquer des doigts, Virgil Abloh va s’improviser DJ dans des soirées très prisées de Chicago, ainsi que styliste, à travers la création de t-shirts sérigraphiés sur la base de graffitis, un art qu’il affectionne tout particulièrement au point de se le réapproprier via le design de vêtements façonnés à son image. L’occupation de ces deux ‘’passe-temps’’ lui ouvrira les portes du gratin de la culture urbaine de Chicago, dont le plus illustre représentant n’est autre que Kanye West, le père fondateur des célèbres Yeezy. Ce dernier va le prendre sous son aile pour en faire son bras-droit et lui transmettre cette fibre artistique dont l’influence se ressent toujours. Cela lui permettra notamment d’être introduit en 2006 chez FENDI, l’une des maisons de mode les plus prestigieuses dirigée par un certain Karl Lagerfeld depuis 1965.
En 2009, le natif de Rockford quittera finalement son emploi d’architecte pour ouvrir la RSVP Gallery, une boutique qui a encore pignon sur rue à Chicago au sein de laquelle il commercialisera à partir de 2012 les pièces estampillées de sa première marque propre, Pyrex Vision. Il s’agissait essentiellement de t-shirts Champion’s qui rencontrèrent un franc succès auprès des jeunes branchés de la ville. Un succès tel que Virgil Abloh devra se hâter de trouver un plan B pour pouvoir combler la demande. C’est à ce moment-là qu’il rachètera de vieux stocks de chemises en flanelle Ruby, une marque sur le déclin de Ralph Lauren. Achetées 80$ pièce, ces chemises seront revendues pas moins de 550$ après que l’ancien architecte ait remplacé leur étiquette d’origine par la sienne. Une sacrée plus-value à moindre effort qui ne manquera pas de faire réagir, en particulier Jian Deloeon, l’actuel directeur éditorial de Highsnobiety, qui s’offusquera de la pratique sur le site spécialisé Four-Pins.
Qu’à cela ne tienne, les chemises Pyrex cartonnent, ce qui poussera l’hyperactif Virgil Abloh à poursuivre sa quête insatiable de la hype.
Une quête qui aboutira peut de temps après à la création d’une seconde marque baptisée Been Trill. Avec l’aide d’ambassadeurs les plus influents du moment, de Kanye West à A$AP ROCKY en passant par Rihanna, Been Trill sera très vite auréolée d’une légitimité sans faille, non seulement à Chicago, mais aussi du côté de New York, ‘’THE place to be’’ pour définitivement percer dans la mode.
Un monde en noir et blanc
Inarrêtable, Virgil Abloh va passer la seconde histoire de pouvoir transiter encore plus rapidement de New York à Milan afin de prendre d’assaut le temple international du fashion à l’italienne. C’est là, en Lombardie, qu’il créera son label Off-White, un an seulement après avoir fait de Been Trill une référence du streetwear.
Dès le départ, le ghanéen d’origine va s’imprégner de valeurs qui lui tiennent à cœur et s’en servir à la fois pour définir le style hérité des codes de la ‘’street culture’’ d’Off-White et poser les bases d’une communication maîtrisée de bout en bout, sur les réseaux sociaux autant que sur les podiums des défilés. Son objectif ? Désacraliser le luxe tout en véhiculant des messages forts, souvent en corrélation avec l’actualité, à l’image de cette ‘’féminité indépendante’’ pour laquelle il militera lors de la dernière Fashion Week parisienne. Abloh adoptera dans cette optique une identité visuelle simple et efficace fondée sur l’utilisation du noir et du blanc qui fera une fois de plus immédiatement l’unanimité, auprès de ses pairs comme de ses fans.
S’en suivra une série hallucinante de collaborations avec quelques-unes des enseignes comptant parmi les plus puissantes du monde. Comment ne pas s’attarder sur celle avec Nike, qui a révélé Off-White l’année dernière aux yeux de tous les sneakers addicts par le biais du projet ‘’The Ten’’, une collection composée comme son nom l’indique de 10 baskets que vous avez pu découvrir ici-même sur Sneaker Style. Dire que cette collection a été un véritable carton serait un doux euphémisme. Avec leur design plus ou moins déstructuré revisité à ‘’la sauce Abloh’’, ces modèles classiques de Nike estampillés du branding d’Off-White continuent de faire les beaux jours de marque au Swoosh et des rares particuliers qui ont la chance de se les procurer. Initialement commercialisées sous formes de raffles, les baskets du label milanais s’arrachent généralement à prix d’or dans les heures qui suivent leur lancement sur les sites de revente spécialisés, à commencer par Flight Club et StockX.
En 2018, une année décidément décisive pour le ‘’creative junkie’’, Virgil Abloh accepte de prendre la direction de l’univers masculin de Louis Vuitton, tout en assurant la poursuite de sa collaboration avec Nike. Une fois n’est pas coutume, il éclaboussera le monde de son talent en légitimant la touche résolument moderne apportée aux vêtements et aux accessoires pour homme du numéro un français du luxe. Fidèle à ses valeurs, il rendra par la même occasion hommage à ses racines ghanéennes en faisait référence au chemin parcouru par ses parents pour arriver jusqu’aux Etats-Unis, lors de la présentation des fameuses malles Vuitton en juin dernier. Entre temps, il aura signé une collection capsule pour IKEA dont la sortie est prévue pour 2019. Et ce n’est sans doute que le début de son incroyable parcours.
Mais où s’arrêtera-t-il donc ?
Virgil Abloh en quelques dates
- 1980 : naissance à Rockford, Illinois
- 2009 : inauguration de la RSVP Gallery, à Chicago
- 2011 : direction artistique de l’album ‘’Watch the Throne’’
- 2012 : création des labels Pyrex Vision et Been Trill, à Chicago
- 2013 : création du label Off-White, à Milan
- 2015 : premier défilé d’Off-White à la Fashion Week de Paris
- 2017 : lancement de la collection ‘’The Ten’’ signée Off-White x Nike
- 2018 : direction artistique de la collection homme de Louis Vuitton
- 2019 : sortie de la collection capsule Off-White x IKEA
Fan inconditionnel des premières Air Max et des Jordan rétro, j’ai créé Sneaker Style en 2016 pour vivre pleinement avec vous ma passion pour les sneakers et son univers.