A la découverte de Tinker Hatfield et de ses baskets Nike les plus emblématiques
Tinker Hatfield. Voilà un nom qui doit vous être familier, ou presque, si vous vous intéressez ne serait-ce qu’un peu aux sneakers et, plus globalement, aux baskets. Artiste et accessoirement designer pour la marque américaine depuis le début des années 80, Hatfield jouit effectivement d’une cote de popularité sans précédent auprès de toutes celles et ceux qui vouent un culte aux chaussures estampillées du Swoosh, le logo en forme de virgule inversée de Nike. Voilà pourquoi nous sommes amenés à parler si souvent de lui sur Sneaker Style, que ce soit dans la présentation des nouvelles baskets Nike ou dans l’histoire de ses modèles iconiques.
C’est ainsi que nous nous sommes rendu compte, certes tardivement, que nous n’avions jamais pris le temps de retracer son parcours, ni d’aller plus loin dans la découverte de ses multiples projets, des plus populaires aux moins connus. Son influence sur le sneakers game et à un degré moindre la mode streetwear est telle que nous nous devions de rectifier au plus vite le tir. C’est maintenant chose faite.
SOMMAIRE
L’université de l’Oregon, là où tout a commencé
Si l’histoire de Nike et celle de Tinker Hatfield sont intimement liées, c’est avant tout parce que ce dernier a côtoyé les mêmes bancs de l’université de l’Oregon que Phil Knight et Bill Bowerman, les co-fondateurs du géant américain. Talentueux perchiste en parallèle de ses études d’architecture, Hatfield a d’ailleurs été entraîné par Bowerman, tout comme Knight, avant d’être recruté en tant qu’architecte d’intérieur par la firme de Beaverton, toujours dans l’Oregon donc, en 1981.
A l’origine d’une révolution technique et stylistique
Mais si le nom de Tinker Hatfield raisonne si mélodieusement à l’oreille de tous les sneakers addicts, ce n’est pas pour ses exploits accomplis sur les pistes d’athlétisme pendant ses années universitaires. C’est évidemment pour son génie créatif, auquel Nike a fait appel dès le milieu des années 80, quand ses dirigeants ont senti le vent tourner.
Tinker Hatfield à la rescousse de Nike
Officiellement créée en 1971, celle que l’on surnomme traditionnellement la marque au Swoosh en référence à son incontournable logo a immédiatement cherché à conquérir d’autres sports, en plus de la course à pied, sa discipline de prédilection. Parmi ces sports figurait le basketball, avec en ligne de mire la prestigieuse NBA, en plein essor à ce moment-là. Amorcée en 1973 avec la sortie de la Blazer et achevée en 1982 grâce à l’incomparable Air Force 1, la conquête de la NBA menée par Nike pendant une dizaine d’années a permis à ses concurrents, à commencer par adidas et son rival PUMA, d’opérer un retour en force sur le segment du running.
C’est précisément à cette époque que Phil Knight et Bill Bowerman ont sollicité les talents artistiques de Tinker Hatfield. Celui-ci a alors quitté son poste d’architecte d’intérieur pour enfiler sa casquette de designer afin d’aider Nike à redorer son blason dans un univers de la course à pied devenu ultra-compétitif.
Nike Air Max 1 : le coup de folie
1987 marquera à tout jamais le début de l’ère Tinker Hatfield. Et pour cause, c’est à cet instant précis que l’ancien pensionnaire de l’université de l’Oregon a créé la Air Max 1 et sa fameuse ‘’bulle d’air’’ inspirée de la devanture du Centre Pompidou, à Paris.
Une source d’inspiration a priori un peu folle, mais comment aurait-il pu en être autrement pour relever un défi qui l’était pour sa part complètement ? En effet, pour reconquérir son leadership sur le marché du running, Nike avait fixé pour objectif à son nouveau designer de concevoir une paire de running aussi révolutionnaire que respectueuse de son héritage, rien que ça ! Hatfield a misé pour cela sur son expérience de l’architecture qui s’est accrue au cours d’un voyage dans la capitale de la France. C’est durant ce voyage qu’il a eu l’idée non seulement d’exploiter tout le potentiel de la technologie Nike Air, mais aussi de la rendre visible via l’ajout d’une ‘’fenêtre’’, à l’instar de celles qui recouvrent la façade du monument parisien.
Le succès de la Nike Air Max 1 a dépassé l’entendement, sur les pistes de course puis dans la rue, à tel point qu’elle a eu le droit à plusieurs versions créées spécialement en son hommage. On retiendra parmi elles les déclinaisons du ‘’Centre Pompidou’’ Pack que vous avez pu découvrir au mois d’août dernier sur Sneaker Style.
Nike Air Max 90 : la consécration
Trois ans, c’est le temps qu’il a fallu à Tinker Hatfield pour passer la seconde et parachever l’étape suivante de son projet Air Max. Afin d’insérer un maximum d’air – d’où le nom donné à la fois au modèle et à la plus célèbre gamme de baskets Nike – il a logiquement agrandi l’ouverture placée dans le talon de sa chaussure. Il a qui plus est renforcé la dimension running de son design en l’agrémentant d’une ligne de fuite symbolisant l’action d’aller vers l’avant ; en outre, l’essence même de la course à pied. Grâce à ces deux caractéristiques et une campagne de communication rondement menée par Nike, la Air Max 90 a fait elle aussi rapidement l’unanimité. Et comme son aînée, elle s’est affranchie prématurément des codes du sport pour s’imprégner de ceux du streetwear.
En savoir plus : voir l’histoire de la Nike Air Max
L’influence de Tinker Hatfield sur le basketball
Autant dire que la marque au Swoosh a rapidement vu en Tinker Hatfield une sorte de Messi qu’elle ne s’est pas privée de solliciter une fois de plus lorsque Michael Jordan a sérieusement envisagé de ne pas reconduire son partenariat avec elle à l’issue de la saison NBA 1986-87. Ce n’est que l’idée d’une collaboration avec Hatfield qui l’a convaincue de jurer fidélité à Nike. Heureusement pour lui autant que pour nous, cette collaboration a bien vu le jour.
Air Jordan 3 : une bulle d’air pour la Jordan Brand
Propulsé par la rage de vaincre de Michael Jordan et l’imagination débordante de l’ex-architecte, le duo le plus charismatique de l’histoire des sneakers a donné naissance à la Air Jordan 3, la paire qui restera à jamais dans les annales grâce à l’introduction de la bulle d’air du designer et au trophée remporté en 1988 par MJ lors du concours de dunk du All-Star Game.
En savoir plus : voir l’histoire de la Air Jordan 3
Air Jordan 4 : des parquets de la NBA au cinéma
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? C’est sûrement ce que se sont dit les têtes pensantes de la Jordan Brand, devenue une filiale à part entière de Nike en 1988, après avoir assisté aux triomphes des Bulls et surtout à ceux du couple Jordan/Hatfield. Celui-ci s’est de ce fait remis à l’œuvre à l’aube de la saison 1988-89 pour signer la Air Jordan 4, une paire véritablement taillée pour permettre à l’ex numéro 23 des Chicago Bulls de prendre son envol. Toujours parée de son imprimé ‘’Elephant’’, de sa bulle d’air, et agrémentée d’empiècements en mesh pour plus de légèreté, la AJ4 est définitivement entrée dans la légende le 7 mai 1989, à la suite du shoot décisif du Jumpan sur Craig Ehlo. Elle a ensuite été mise à l’honneur au cinéma dans ‘’Do The Right Thing’’, un film de Spike Lee, puis dans une série de publicités dans lesquelles ce même Spike Lee, illustre sneakerhead, campait le rôle de Mars Blackmon aux côtés de Michael Jordan himself. La classe.
En savoir plus : voir l’histoire de la Air Jordan 4
Air Jordan 5 : la plus agressive de toutes les Air Jordan
Jamais deux sans trois. Après les Air Jordan 3 et 4, Tinker Hatfield s’est attelé en 1990 à concevoir une troisième chaussure signature pour celui qui reste considéré par beaucoup comme le meilleur joueur de basketball de tous les temps. Il ne s’agit ni plus, ni moins, que du mix parfait entre ses premières créations. A ceci près que la Air Jordan 5 arbore un design résolument plus agressif, avec ses détails visuels rappelant les dents d’un requin sur le devant du pied, entre la semelle et l’empeigne (la partie supérieure des baskets, ndlr). Incarnées avec justesse et rigueur sur les parquets par Michael Jordan, les AJ5 le seront à leur tour à l’écran par Will Smith dans ‘’Le Prince de Bel Air’’, une page de leur histoire que Nike a célébré l’année dernière avec une version dénuée de lacets baptisée ‘’Fresh Prince’’.
Les autres baskets emblématiques de Tinker Hatfield
Revenir de manière exhaustive et détaillée sur chacune des baskets dessinées par Tinker Hatfield serait un bel exercice auquel nous nous livrerions volontiers, mais il nous faudrait dans cette optique écrire un livre et pas un simple article. Néanmoins, pour assouvir un peu plus votre soif de culture, nous vous proposons de nous attarder quelques minutes sur trois autres de ces baskets.
Nike Air Huarache : entre sandale et basket
Nous faisons régulièrement allusion sur Sneaker Style à la capacité hors norme de Tinker Hatfield à aller puiser l’inspiration partout, vraiment partout. Si vous pensiez en avoir eu la preuve formelle avec la Air Max 1, sachez que vous n’avez rien vu et que vous allez être encore plus surpris par la Huarache, une silhouette dont le nom signifie littéralement ‘’sandale’’ en amérindien. L’architecte de formation a eu l’idée de la créer en 1991 après s’être essayé au ski nautique. Conquis par le confort des bottes traditionnellement utilisées pour sa pratique, Hatfield a décidé de réutiliser leur matière principale, le néoprène, pour élaborer un chausson qu’il a intégré dans une tige légèrement rehaussée. Elle a d’abord équipé les coureurs puis les basketteurs, à l’image de Kobe Bryant, que nous avons pu apercevoir à plusieurs reprises avec la Nike Air Flight Huarache aux pieds lorsqu’il était encore en activité.
En savoir plus : voir l’histoire de la Nike Huarache
Nike Air Max 180 : la belle surprise
Nous associons généralement le nom de Tinker Hatfield aux Air Max 1 et 90, les deux références qui ont contribué à réassoir Nike sur le trône du running. Les deux premières silhouettes du designer jouissent de par leur histoire et leur style révolutionnaire d’une aura incomparable qui nous ferait presque oublier que Mr Hatfield a également créé la Air Max 180. Revenue sur le devant de la scène en 2018 dans le cadre de l’officialisation de la Air Max 270 qu’elle a inspirée, la 180 a marqué les esprits durant les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, quand Michael Jordan s’est affiché avec la fameuse silhouette aux pieds dans la capitale catalane. Le monde a alors découvert la technicité d’une paire qui porte très bien son nom, la Air Max 180 étant équipée de 180 degrés d’amorti Air à la fois visibles et directement au contact du sol, une innovation permise par leur intégration dans une semelle en uréthane.
Air Jordan 11 : à la vitesse du Concorde
De 1992, nous vous emmenons directement en 1994. Si vous êtes fan de basketball, vous savez très certainement que cette année a marqué le premier retour de Michael Jordan en NBA, après un petit break de finalement un an. Très attendu par les supporters des Bulls, les américains, et d’une manière générale tous les amoureux du sport, le come-back de MJ sur les terrains a été un véritable événement que Nike se devait d’accompagner de la plus belle façon qui soit. Pour cela, elle a confié à son designer préféré la conception d’une paire unique : la Air Jordan 11, dans son coloris ‘’Concord’’. La vedette de Chicago ne la portera qu’à partir du 7 mai 1995, à l’occasion du premier match des play-offs NBA qui ont opposé les Bulls aux Orlando Magics.
En savoir plus : voir l’histoire de la Air Jordan 11
Bonus – Nike Mag : retour vers le futur
Les plus geeks d’entre vous s’en souviennent sûrement plus que n’importe quel sneakers addict. Et cela n’a rien de surprenant car c’est dans le second volet de la trilogie ‘’Retour vers le futur’’ que les bottes de Marty McFly ont fait leur apparition en 1989. Toutes celles et ceux qui ont vu le film à l’époque se sont surpris à rêver de porter un jour une paire de baskets autolaçantes. Il aura fallu attendre plus de 20 ans pour que Nike accomplisse ce rêve, mais uniquement pour une poignée de collectionneurs privilégiés, puisque la première version de la Air Mag de Tinker Hatfield, équipée d’un éclairage LED mais pas du système de laçage automatique, n’a été commercialisée qu’en 2011 lors d’une vente aux enchères sur eBay. La commercialisation de la seconde version, cette fois auto-laçante, est intervenue cinq ans plus tard. Comme les 1500 exemplaires mis en vente en 2011, les 89 paires vendues en 2016 ont toutes trouvées preneur. Certaines d’entre elles se monnaient aujourd’hui à plusieurs milliers de dollars sur les sites de resell tels que StockX.
Pierre angulaire des collaborations majeures
Toute personne travaillant dans l’univers de la basket, et plus particulièrement dans le design des modèles, qu’ils aient une vocation sportive ou lifestyle, vous le dira : collaborer avec Tinker Hatfield est un honneur et un privilège. Il faut dire que le natif de Hillsboro a marqué le sneakers game de son empreinte et éclaboussé ses paires autant que ses pairs de son talent, comme nous l’avons vu au fil de la présentation de ses créations iconiques.
Le projet HTM en détail
Parmi les rares artistes à avoir eu l’honneur et le privilège de travailler main dans la main avec Tinker Hatfield, dans le cadre d’une collaboration ponctuelle ou durable, nous pouvons notamment citer Hiroshi Fujiwara et Mark Parker. Le styliste japonais créateur des labels de mode Goodenough et Fragment Design et le PDG actuel de Nike se sont alliés en 2002 avec Hatfield pour fonder le projet HTM, une sorte de cellule créative visant à repousser les limites de l’innovation. Dans le cadre de ce projet ambitieux initié par Mark Parker, les 3 hommes dont la première lettre du prénom compose l’acronyme HTM ont donné naissance à pas moins de 30 paires différentes, avec au programme des chaussures destinées à la pratique sportive et d’autres s’inscrivant au contraire dans un registre lifestyle. Dans ce collectif, Tinker Hatfield a joué un rôle clé. C’est lui qui a veillé à préserver l’ADN sportive de l’équipementier, une mission sur mesure pour le sauveur de Nike.
Vous pouvez voir ci-dessous le détail des baskets issues du projet HTM entre 2002 et 2014 :
Pour en savoir plus sur Tinker Hatfield
Tinker Hatfield est depuis 1987 une légende pour les sneakers addicts, les amateurs de mode streetwear et, plus globalement, toute personne qui s’intéresse ne serait-ce qu’un peu à l’art. Car oui, la plupart des baskets nées de l’imagination et des mains de Mr Hatfield sont de véritables œuvres d’art qui s’arrachent parfois à prix d’or sur les sites de ventes aux enchères et les plateformes spécialisées dans la revente de sneakers. C’est précisément pour cela qu’il est si intéressant de discuter avec lui. Mais rares sont celles et ceux qui en ont eu la chance, surtout en France, qui a pourtant été une formidable source d’inspiration pour lui. Bien qu’elle date de 2017, cette interview de Tinker Hatfield réalisée par les équipes de Clique.tv se veut donc d’autant plus intéressante. Nous vous proposons de la découvrir ci-dessous pour en apprendre davantage sur le designer autant que sur l’homme au fil d’un échange couvrant de nombreux sujets allant bien au-delà des chaussures de sport.
Fan inconditionnel des premières Air Max et des Jordan rétro, j’ai créé Sneaker Style en 2016 pour vivre pleinement avec vous ma passion pour les sneakers et son univers.